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Peut-être que le silence même a plus de choses à dire que toi.

Toi, tenu..e au secret des gargouilles, planté..e droit..e sans un mot comme un arbre endormi ; toi rêvant debout, les yeux ouverts, le corps engourdi, ce corps en mur vivant qui se dresse au-devant des autres, arrêté auprès d'eux tel les statues, muet comme elles ; tandis que ton ombre immense, rendue infime, glisse au-delà d'elleux. C'est un peu tard pour réfléchir à qui tu es.

Ta parole se raréfie et tes sourires se ferment. Et tu ouvres ton livre, et face aux hordes qui ne te regardent pas, ou qui, avec une douceur morte, imaginent te comprendre, le silence devient ta certitude ; ce silence qui perdure au rythme lent des jours semblables, et qui tout ensevelit, jusqu'au son de ta voix.

Aux discours sur qui tu es et ce que tu es, sur ce que tu traverses et parfois subis, aux manifestes et aux stories sur les formes multiples de ta négritude, tu préfères le silence des morts. Celui qui saisit tout sans jamais rien signifier, et auquel, depuis toujours, tu te condamnes.

Tu attends. Tu es l'attente. Peut-être aussi qu'attendre c'est ce que tu sais faire. Toi tu es bon..ne à ça, c'est ta posture. Tu observes les choses et les gens. Tu te dis que le temps pourrait les faire bouger. Qu'eux aussi pourraient trouver, et ouvrir ce livre, et changer. Toi l'attentiste posté dans un corner, seul..e dans ta pensée et seul..e dans ton penser, tu fermes la bouche comme le livre. Ainsi tu n'auras plus à dire ni à crier. À connaître la solitude de cellui qu'on fait semblant de ne jamais comprendre.

Tu attends, sais que le temps qui peut changer peut réparer aussi, résorber l'injure qu'il a fait. Tu attends que les sourd..es observent et les aveugles écoutent. Malgré tout la blessure s'obstine à ne pas guérir. Tu ne sais pas où elle est, elle relève davantage du sentiment.

Mais attendre paralyse le sang. alors quand le temps est consommé, et que son cours est suspendu, tu ne bouges plus. Et parfois, comme les gens qui ne te comprennent pas, ton corps se fige.

Indifférent..e à celles et ceux qui dansent, qui occupent toute ta place et laissent les leurs vides, les cerveaux révulsés dans des transes indicibles, tu les vois, tout occupé..es à trouver des combats perdus sous des pathologies et des appellations. Puis dans l'effervescence des tables rondes, et le néant du vivre ensemble, et partout là où tu ne te sens pas d'ici, déçu..e par certains souffles, tu retiens le tien. Tu te sens seul..e dans le noir et dans ton noir.

Parfois il y a un drôle qui crois t'illusionner. Parfois il y a une personne qui veut te cross, mais tu connais la messe, c'est toi qui l'a écrite. Il est pourtant vrai que ta patience s'affaisse. Que tout en toi à se défendre s'épuise.

Mais ton regard doux et patient, qui parfois s'éteint et parfois se rallume, se porte sur le ciel figé, lourd, sur le point de se rompre. Tu penses aux tien..nes. Tu te demandes comment ravager cet horizon.

Derrière toi, les coulisses, devant toi, la scène. Et partout autour, des coursives aux backstages, le cirque, avec ses clowns, ses animaux, ses acrobates. Que peux-tu leur apprendre ? Leurs tours sont des mirages. Iels ne sont jamais que de passage.

Donc, mi paisible, mi consumé..e par une tristesse phagocytaire, tu te résignes à cette évidence douce-amère : tu ne seras probablement jamais heureux..se.

Alors il faudra essayer d'être content..e.



texte et visuel : GATA