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“WE ARE THE UNIVERSE EXPERIENCING ITSELF”
― ALAN WATTS



Tout me revient.

Je me rappelle que j'ai tout inventé.

Que les choses autour de moi n'ont jamais existé et que toutes ces histoires sont des inventions que je me raconte pour éviter de disparaître.

J'ai créé le monde et l'univers, et la somme de toutes les choses qui gravitent dans leur champ. J'ai créé la vie et la voie lactée n'est jamais que mon éjaculation si précoce quand je me touche le soir.

Je regarde ma copine et en la voyant il me semble inutile de vivre. Elle est triste. Elle me parle.

Quelle bonne blague. Comme si une personne comme ça pouvait être au monde, et demeurer près de moi, et m'aimer sans raison.

Alors elle n'existe pas non plus, et sans doute encore moins que le reste.

Cette certitude me rassure dans ma douleur. Rien ne vaut rien. Sereinement j'accepte de me donner au silence froid de l'infini.  

Pauvre de moi. L'amour me poursuit mais je suis plus rapide. Pauvre de moi qui a oublié à quoi je ressemble. Il y a longtemps que je ne me regarde plus dans la glace : j'évite les vitres et les rétroviseurs de crainte que mon reflet ne me crache au visage. J'évite le monde et les intentions du monde.    

Subitement je me rappelle l'existence des téléphones portables et j'éclate de rire.  

Je suis tout..e seul..e dans l'univers.  

Je glisse au fond du lit alors que la terre se lève. J'ai déjà oublié que je ne suis pas dans l'espace abstrait de ce que j'appelle ma conscience mais dans un repli de mon délire.

Sans bouger, sans parler, gagné..e par l'impression de ne faire qu'un avec l'univers, puis par celle que l'univers est essentiellement constitué de merde, j'ouvre les yeux.

Ce que je vois me déplaît tant que je souhaite mourir. Mais je l'aurais oublié dans quelques instants.  

Quand je le prononce mon prénom est une suite de syllabes désignant un concept absurde. J'avais longtemps pensé que c'était le prénom le plus ridicule du monde. Maintenant je trouve qu'il n'a même pas de substance.  

Je frappe les murs plutôt que mes adversaires. J'enfonce mon poing dans le plâtre comme un..e imbécile qui n'a pas assez de mots dans son vocabulaire pour exprimer sa souffrance indicible.

Et bien voilà, les mots sont là. Souffrance et indicible. Je me rappelle que je les ai eux aussi inventés, spécifiquement pour cet instant. Je ne ressens rien. Il y a un trou dans la fabrique de la réalité.  

Brutalement je me lève et sort. Je marche droit vers le matin sous le soleil de Satan. Je rencontre quelqu'un, un..e inconnu..e que je serre dans mes bras.

Je ne comprends pas s'il s'agit de quelqu'un d'autre ou de moi-même.



texte et visuel : GATA